Masterclass 3 : Campus Lettres et
Sciences Humaines, le samedi 10 Décembre 2016.
Noirceurs, Benoît Fourchard, par la
Compagnie Les Fruits du Hasard.
Introduction :
Noirceurs
est un texte de Benoit Fourchard, monté et mise en scène par lui-même et avec
l’aide de la compagnie Les Fruits Du Hasard. Il s’agit d’un dyptique musical,
nous dévoilant chaque fois un texte interprété par un acteur. Dans la première
partie du spectacle, seul un musicien et un acteur sont présent en scène.
Quelques éléments de décor les accompagnent. Dans la deuxième partie, le décor
disparait, laissant place à 3 douches de lumière qui nous révèlent deux
toujours un acteur, mais accompagné de deux musiciens cette fois. Des
percussions viennent alors se rajouter à la basse présente depuis le début de
la pièce. Ce spectacle est fondé sur le thème du fait divers, avec pour but de
nous montrer les travers sombres qui se cachent en chacun de nous, et de quelle
façon ils peuvent subitement faire surface après avoir été profondément enfouis
pendant tant de temps. Nous aborderont donc ce thème de la violence et la façon
dont il est mis en scène dans le spectacle, notamment par les jeux de lumière
et le son.
La
représentation :
La violence peut être représentée par
de nombreux moyens au théâtre : dans les paroles, les dialogues, avec des
mots durs et blessants ; dans des gestes brutaux, des regards pleins de
colère ou d’agressivité ; des mouvements rapides, furtifs, des courses
poursuite, des assassinats… mais ici, bien que les textes soient parfois d’une
cruauté rude, c’est aussi dans les lumières et les sons que l’on retrouve cette
violence.
L’éclairage, d’abord, est disposé et
utilisé d’une manière peu commune au théâtre, car il n’est pas géré par une
régie mais par l’acteur lui-même. Il dispose de plusieurs lampes de bureau sur
une table métallique dans la première partie, ainsi que de lampes posées au sol
au proscénium et éclairant vers le haut (il peut les allumées avec son pied
grace à des interrupteurs au sol).
On a donc des lumières brut, loin d’un éclairage doux et tamisé, mais
bien au contraire, assez agressif, tant pour l’acteur lorsqu’il est éclairé en
plein visage. Ce sont des lumières crues et non pas chaudes. L’ambiance est
donc déjà posée : cela ne sera pas fait pour mettre le spectateur tout à
fait à l’aise. Dans cette première atmosphère arrive, en plus de cela, un personnage
au sourire cruel, on y verrait presque des dents acérées. Le regard fixé sur le
public, qui devient alors la famille Henriot, il lui adresse alors les premiers
mots de la pièce, lesquels sont plutôt tranchants…
Dans la deuxième partie, l’éclairage est totalement différent, et a
pourtant ceci de commun : il est tout aussi violent. Des douches droites,
fines, aigues, d’une lumière toujours froide tombent sur le comédien placé au
milieu et les deux comédiens placés sur les deux côtés. Le reste est noir,
profondément noir. Par moment, on peut même avoir l’impression quand on fixe le
comédien, que seul son visage se détache du reste de la scène. Il y a donc ici
un grand travail de clair-obscur. Ceci donne un visuel déchiré, en quelque
sorte, comme si les personnages que l’on entrevoit se détachaient de cette
obscurité, parfois oppressante. Ici encore, le spectateur n’est pas mis à
l’aise. Ceci est aussi renforcé par la diction du comédien, très monotone et
sourde, puissante et grave, insensible en fait. Le texte, lui aussi, augmente
cet effet par son caractère très descriptif, jusque dans les moindres détails
de l’action qui se déroule, presque comme si l’on voyait les ombres des
personnages décrits sous nos yeux. On pourrait même les voir se tuer, se
déchirer l’un l’autre, se regarder froidement.
Pour ce qui est du son, il n’est pas
géré par le comédien cette fois, mais par une régie qui se trouve elle-même
bien présente en scène. Dans la première partie, plusieurs instruments sont
utilisés, dont une guitare électrique et un violoncelle, mais les sons sont
souvent électrisés, remasterisés, en direct grace à tout un équipement
technique, et, probablement, grace à des enregistrements préalables aussi. La
voix du comédien est aussi modifiée par moment, lui donnant des allures encore
plus menaçantes. Dans la deuxième partie, on a cette fois une guitare
électrique toujours, et une batterie, qui se permet d’ailleurs de nombreuses
expérimentations avec toute sorte d’objets métalliques, rêches, et granuleux,
rendant des sons aigus, griffants, sifflants, parfois assez désagréables. Des
sons dans tous les cas discordants, qui vont de pair avec les discours des
personnages, et leur esprit qui perd pied, puis tombe brutalement dans la
folie. On peut aussi remarquer que les silences mettent merveilleusement bien
en valeur ces textes, leur donnant une résonnance d’autant plus forte. On a
parfois ce léger temps de silence, où, en tant que spectateur, on peut être
plongé dans une certaine réflexion par rapport au personnage et à ses
actes : Mais qui est-il réellement ? Que veut-il faire ? Que
va-t-il faire ? Jusqu’où ira-t-il vraiment ? Etc.
Je crois aussi qu’une chose notable dans ce spectacle est qu’il nous
présente deux cas : le premier, avec cette femme qui a déjà basculer dans
la folie avant que cela ne commence, par le fait d’évènements antérieurs ;
et le deuxième, qui, lui, bascule « de l’autre côté » devant nous.
La masterclass :
Durant la masterclass, nous avons
commencé par parler du spectacle avec Benoit Fourchard (auteur et metteur en
scène de cette pièce) et de Virginie Hoppé (responsable au centre culturel
André Malraux). Nous avons donc aussi pu parler du rôle des centres culturels
comme celui-ci, de leurs actions, et des différents types de spectacles qui y
prenaient vie. Nous avons ensuite commencé à parler de la formation du
spectacle lui-même, et des choix de l’auteur. Ce spectacle est un dyptique,
composé de deux « tableaux » : le premier étant « Cette
chère Simone », où l’on nous montre ce personnage de Simone Weber connu
dans Nancy pour les assassinats de ses divers compagnons, et le deuxième qui
s’intitule « 48 fois », où l’on représente un mari qui a tué sa femme
de 48 coups de couteaux (Beaucoup plus dans la réalité mais l’auteur a adapté).
Benoit Fourchard nous confi que la
plupart des éléments présents dans les deux parties sont réelles, étant donné
que ces histoires sont tirées de fait divers ayant bien eu lieu, mais que
d’autres ont été supprimés, car on ne peut pas tout montrer sinon cela serait
beaucoup trop long, ou encore ajoutés et créés par lui. Par exemple, le nombre
de coups de couteaux, la poupée nommée Vassili de Mme Weber, ou le nom de la
famille « Henriot », sont des adaptations ou des inventions de Mr.
Fourchard. Par contre, on sait que Simone appelait réellement le juge
s’occupant de son affaire « mon poussin », car elle avait lié une
relation très proche et spéciale avec lui, ou que le meurtre dans le deuxième
volet s’est bien passé dans de telles conditions (dans l’escalier, et avec
préméditations car il avait réellement enfermé les enfants). Benoit Fourchard a
notamment pu avoir de l’aide d’un témoin ayant assisté au meurtre au moment où
il s’est passé pour ce deuxième volet, et a fait de nombreuse recherches pour
les deux affaires, en leur trouvant cette caractéristique commune : elle
révèlent toutes deux un basculement psychologique des personnages, qui, dans
les deux cas, sont perdus, et finissent par sombrer dans une sorte de folie.
Après avoir échangé sur le sujet,
nous avons réalisé un petit travail d’écriture. Avec l’aide de Mr. Fourchard,
nous avons d’abord constitué deux phrases simples répondant à la
question : « qui fait quoi, où, et quand ? ». A partir de
ces deux phrases, nous en avons développé une, en y ajoutant quelques détails
sur les conditions de l’action, qui nous a servi de base à une petite histoire
un peu plus longue. Dans la plupart des cas, ce que nous avons écrit était en
fait une scène d’exposition, avec beaucoup de description du cadre de l’action,
de l’ambiance, de la lumière, des lieux, etc.
Pour continuer cet exercice, nous
avons ensuite tiré au sort un fait divers résumé en une ou deux phrases, dont
nous devions écrire l’histoire, sous la forme de notre choix. Cela pouvait donc
avoir un style journalistique, comme être un dialogue, ou un récit, ou un texte
déjà plus théâtralisé. Seulement, notre personnage principale n’avait pas pour
obligation d’être le responsable réel de l’action telle qu’elle était énoncée,
on pouvait très bien avoir un objet ou un acteur tout à fait secondaire comme
élément principal et déclencheur de l’action.
Nous avons fini cette masterclass en
lisant nos textes devant le groupe et en discutant au sujet de chaque texte et
de la manière dont nous l’avions compris. Nous avons remarqué, comme nous
l’avait justement dit Benoit Fourchard, que certaines choses, qui nous
semblaient claires, restaient difficiles à comprendre sans explications lorsque
l’on découvre le texte.
Nous avons eu la chance, pour la
première fois dans une séance de masterclass, de faire un travail d’écriture,
plutôt qu’un travail de mise en voix d’un texte, ce qui fût très intéressant.
Nous avons pu, par ce biais, laisser libre-cours à notre imagination d’une
autre manière que par nos choix d’interprétation.
De plus, Benoit Fourchard est quelqu’un
de très ouvert et qui a pu nous donner beaucoup de pistes de réflexion
artistiques, qui nous a très bien guidé dans la mise par écrit de nos idées,
tout en nous laissant une grande liberté. Encore une fois, ce travail a été
très enrichissant pour chacun de nous je pense, car il est, lui-aussi, reparti
avec de nouvelles idées pour d’autres ateliers de ce genre !
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